par Claude Morin
Parmi les événements qui ont marqué l’histoire et dont il convient de
commémorer l’anniversaire devrait figurer en bonne place la traversée des Andes.
La traversée des Andes est considérée comme un des grands événements de l’histoire argentine (et chilienne) et l’une des plus formidables prouesses de l’histoire militaire universelle. Elle fut la pièce maîtresse d’un projet audacieux qui déboucha sur une campagne aussi brève et difficile que glorieuse. La bataille de Chacabuco (le 12 février 1817) et d’autres victoires contre l’armée royaliste en territoire chilien ouvrirent la voie à l’indépendance du Chili, proclamée le 12 février 1818. Il faut souligner ici que cette épopée dépendit d’une étroite collaboration entre des contingents issus de territoires qui formeront l’Argentine et le Chili, sous le commandement de José de San Martín* et de Bernardo O’Higgins, considérés tous les deux comme des "héros de la patrie", comme des próceres.
« Ce qui m’empêche de dormir ce n’est pas l'opposition que pourraient me faire les ennemis, mais de traverser ces immenses montagnes. » (lettre de San Martin à Thomas Guido, 14 juin 1816). Omar Campos a écrit dans El cruce de los Andes. Tras las huellas de San Martín (2006) : « Aucune épopée militaire ne peut se comparer à la traversée des Andes. Ceux qui persistent à comparer les campagnes d’Hannibal et de Napoléon à travers les Alpes oublient qu’ils déplacèrent leurs armées par de larges routes commerciales parcourues de façon permanente [...]». Les routes empruntées par l'Armée des Andes présentaient un tout autre défi. Un collectif d’historiens militaires argentins concluait en 2000 : « La prouesse que fut la traversée des Andes plaça San Martín parmi les plus grands généraux du monde occidental ».
Le plan de campagne était de diviser les troupes en deux colonnes et en quatre détachements. Afin de tromper l’armée royaliste stationnée du côté chilien et la forcer à se disperser, San Martín fit avancer des détachements par quatre cols (Come Caballos, Guana, Portillo et Planchón), ce qui créait un front de 2000 km. L'Armée des Andes, formée à El Plumerillo (à 7 km de Mendoza), quitta le camp et commença la traversée des Andes le 17 janvier 1817. La principale colonne se composait de trois détachements sous le commandement respectif de Miguel Estanislao Soler (avant-garde), de San Martin et d’O'Higgins, tous deux en réserve à une journée du premier. Elle emprunta le Col des Canards (Paso de los Patos). La colonne secondaire, ayant à sa tête Juan Gregorio de las Heras, avança par la route d’Uspallata. Luis Beltrán suivait à deux jours de marche avec les munitions et l'artillerie. Ces routes escarpées devaient garantir l’effet de surprise. La traversée dura 21 jours. Les forces principales atteignirent l’autre versant entre les 6 et 8 février.
La traversée des chiffres :
- Hommes: 5424 (dont 3 généraux, 28 chefs, 208 officiers et 2105 grenadiers). Les troupes se composaient de 3000 fantassins, de 700 cavaliers et d’auxiliaires, notamment des guides.
- On transporta 22 canons (2 obusiers de 6 pouces, 7 canons de bataille de 4 pouces, 9 canons de montagne, 2 canons de fer et 2 canons de 10 onces). 2000 projectiles. L’équipement se composait de 1129 sabres et de 5000 fusils.
- On utilisa pour le transport des troupes et de l’armement 1600 chevaux et 10 600 mules.
- L'aliment de base de l'armée était le valdiviano, une soupe [à la mode de Valdivia, une ville du sud chilien] faite de viande séchée (charqui) écrasée, de graisse, de tranches d'oignons crus et d'eau bouillante. Les colonnes transportant les vivres étaient à l'arrière. Elles transportaient plus de 4 tonnes de viande de charqui, des galettes de maïs, des outres de vin et d’eau-de-vie pour combattre le froid nocturne, de l’ail et des oignons (pour combattre le mal des montagnes), 600 bovins pour l’approvisionnement en viandes fraîches, des fromages et du rhum.
- En plus des uniformes, on emportait des ponchos de San Luis, des couvertures et des manteaux de flanelle. Le froid était si intense qu’il fallait couvrir aussi les animaux.
- Progression moyenne par jour: 28 km.
- Altitude moyenne: 3000m. L'altitude maximale: près de 5000 mètres.
- Différentiel moyen de la température : 40 ° C entre la température la plus élevée le jour (30 ° C) et la plus basse température la nuit (-10 ° C).
Les six routes sanmartiniennes
|
||||||
Les six cols
|
||||||
Chefs
|
lieut-col. Ramón
Freire
|
cap. José León
Lemos
|
brig. Juan Gregorio Las Heras
|
lieut-col. Juan Manuel Cabot
|
lieut-col. Francisco
Zelada
|
|
Altitude
maximale
|
3800 m, à el
Planchón
|
4500 m, à el
Portillo
|
3400 m, à el Paso Iglesia
|
5000 m, à Espinacito
|
4200 m, à Guana
|
4100 m, à Come-Caballos
|
Objectif
|
Manoeuvre de diversion
sur San Gabriel
|
Se rassembler
dans la vallée de l’Aconcagua
|
Tomber sur Santiago
|
|||
Effectifs
|
100 hommes
|
155 hommes
|
1700 hommes
|
3000 hommes
|
140 hommes
|
130 hommes
|
Province
|
Malargüe -
Mendoza
|
Mendoza
|
Mendoza
|
San Juan
|
San Juan
|
La Rioja
|
Source :
Cette section emprunte à plusieurs articles qui se rattachent à l’article
principal « Cruce de los Andes » (Traversée des Andes). https://es.wikipedia.org/wiki/Cruce_de_los_Andes. J’en ai assuré
la traduction, l’adaptation et la correction.
*
José de San Martin (1778-1850) est
considéré par les Argentins comme le plus grand des Argentins. Sa statue
équestre trône sur les places de plusieurs villes d’Argentine et d’Amérique
latine. Il doit cette prééminence à son rôle historique dans la libération de
l’Argentine et de l’Amérique du Sud. Il sut formuler une stratégie continentale pour briser l’opposition royaliste basée au
Pérou. Face à ceux qui voulaient utiliser l’armée dans des conflits internes,
il profita des divisions au Rio de la Plata pour développer une autonomie de
son armée et la diriger vers la libération du continent. Sa stratégie nécessitait de passer par le Chili, d'y vaincre les forces royalistes, puis d'embarquer ses troupes sur des navires en vue d'un débarquement au sud de Lima. Les Argentins lui
reconnaissent aussi sa grandeur d’âme. San Martín, à la différence des autres
caudillos qui se disputaient le pouvoir en mobilisant des compatriotes armés
contre leurs rivaux, préféra, l'indépendance acquise, se retirer en Europe. À Juan Lavalle, il
répondit : «le général San Martín ne dégainera jamais son épée pour
combattre ses compatriotes».
Les six routes empruntées par les détachements et colonnes de l’Armée des Andes |
Aucun commentaire:
Publier un commentaire