jeudi 29 août 2019

L'aube d'un "nouveau Mexique"

par Claude Morin

Le texte ci-dessous fut publié à l'origine le 9 mars 2019 à l'occasion des premiers 100 jours de la présidence d'Andrés Manuel López Obrador.
https://www.mondialisation.ca/laube-dun-nouveau-mexique/5631818


Six mois plus tard, la popularité d'AMLO demeure forte -- un taux d'approbation de 70 % -- même si l'opposition a multiplié les fronts de résistance et que  les grands médias lui cherchent noise. La violence frappe toujours: attentats contre les civils, meurtres de journalistes et de militants continuent d'ensanglanter le Mexique. L'insécurité affecte encore sérieusement plusieurs régions. Elle est une hydre aux têtes multiples. La "4T" demeure à l'ordre du jour, dans le discours, comme une boussole (comme une religion disent certains), mais progresse lentement. La lutte contre la corruption et l'impunité demeure une priorité. AMLO a évité la chasse aux sorcières contre les anciens dirigeants soupçonnés d'actes de grande corruption, laissant le procureur général procéder aux enquêtes: une proche de l'ex-président Peña Nieto a été arrêtée en relation avec la plus grande arnaque du précédent sexennat. Il a dénoncé le néolibéralisme de ses devanciers, déterminé à tourner la page sur 36 ans de politiques publiques néolibérales. Plusieurs programmes sociaux ont vu le jour qui améliorent la vie matérielle des jeunes et des aînés. Il n'empêche que plusieurs de ses grands projets (centrale hydroélectrique au Morelos, train en zone maya) dérangent des communautés et malmènent l'écologie. Les radicaux lui reprochent de ménager ses adversaires. AMLO n'est pas le Chávez qu'annonçaient ses ennemis politiques et les puissants durant la campagne électorale. Il serait plus proche d'un Lula, cherchant à se concilier le patronat nationaliste. Face à Trump, il défend la souveraineté et la dignité mexicaines en évitant toute surenchère dans la rhétorique. En somme, les contradictions ne manquent pas. 

J’ai appris à aimer le Mexique. Depuis 1969, j’y ai fait 18 séjours qui totalisent une trentaine de mois. Je lui ai consacré mon mémoire de maîtrise, ma thèse de doctorat et de nombreux écrits. Je l’ai parcouru à plusieurs reprises depuis la frontière nord jusqu’au Yucatán. Je reviens d’un séjour de trois semaines. Ce pays a occupé une grande place dans ma vie professionnelle. Mais depuis une trentaine d’années, j’accumulais déceptions et frustrations. Quatre problèmes accaparaient mon attention : 1- la pauvreté endémique et majoritaire; 2- la corruption verticale, du haut vers le bas de la pyramide sociale; 3- la violence systémique (domestique, patronale, policière, mafieuse); 4- l’impunité généralisée (une justice qui protégeait les puissants et une police incompétente et véreuse). La fraude électorale avait de plus entraîné un abstentionnisme croissant. L’horizon paraissait bouché.

Le 1er juillet 2018, 70 % des Mexicains sont allés voter, le meilleur taux de participation depuis des décennies. Ils ont élu Andrés Manuel López Obrador (AMLO), l’ancien maire de Mexico (2000-05), âgé de 65 ans, un politique aguerri issu du Tabasco, qui en était à sa troisième tentative d’arracher la présidence. Face à quatre autres candidats, il a obtenu une majorité absolue (53 %). Il a su gagner la confiance d'un peuple. Même les élites qui le redoutaient comme un dangereux « gauchiste » ou « populiste » n'ont pu lui opposer la fraude comme elles l’avaient fait en 2006. Sa popularité était trop grande, sa capacité de mobilisation trop évidente. Cette fois il a conquis la présidence à la tête d’un parti-mouvement qu’il a créé (Morena : Mouvement pour la Régénération Nationale) et d’une coalition (Ensemble nous ferons l’histoire) qui lui a assuré une majorité au Congrès. Morena doit son succès à la construction d’une base territoriale fondée sur des demandes locales, des mouvements revendicatifs et un tissu de loyautés traditionnelles ainsi qu’au grand capital de confiance dont AMLO disposait auprès de nombreux secteurs.

Homme réfléchi, d’une grande culture, auteur de six livres, modeste et pragmatique, AMLO a fait campagne au nom d’une « quatrième transformation » nécessaire. La première (1810-1821) avait abouti à l’indépendance. La seconde (1858-1861) avait réformé l’État désormais séparé de l’Église. La troisième (1910-1920) avait mis fin à la dictature et doté le pays d’une constitution avancée. La quatrième devrait mettre en place un véritable État de droit, une « vraie » démocratie et libérer le pouvoir politique de l’emprise du pouvoir économique. Et AMLO, en excellent connaisseur de l’histoire mexicaine, de citer ses modèles d’hommes publics : Juárez, Madero et Cárdenas. Le président a commandé l’élaboration d’une « Constitution morale » afin de développer chez ses compatriotes une conscience éthique comme le proposait Alfonso Reyes dans sa Cartilla moral en 1944.

Il a proclamé l’« austérité républicaine » qu’il pratiquait déjà à l’époque où il était maire de Mexico, habitant un cottage de Tlalpan, un quartier de classe moyenne, avec sa conjointe Beatriz Gutiérrez Müller, historienne et spécialiste des communications, auteure de plusieurs ouvrages. AMLO a ainsi réduit de moitié son salaire mensuel, l’abaissant à 5 700 USD. Il a renoncé à la résidence présidentielle (Los Pinos) et en a fait un centre culturel au profit des citoyens, installant ses quartiers au Palais national sur le Zocalo. Tous les matins, à 7h, il y tient une conférence de presse afin d’informer les citoyens par l’entremise des journalistes. Il a mis en vente l’avion présidentiel et voyage sur des vols commerciaux, se soumettant aux mêmes contrôles que ses compatriotes. Désormais aucun fonctionnaire ne pourra gagner plus que lui. Dans les ministères l’écart entre le mieux payé et le moins payé ne devra pas dépasser un rapport de 12 pour 1, alors que présentement des cadres peuvent gagner 80 fois ce que gagnent les salariés les moins bien payés. Les juges ont accepté de s’imposer une baisse de traitement de 25 % ramenant leurs émoluments mensuels à 10 000 USD.

Il s’est engagé à réduire la pauvreté par la hausse du salaire et la création d’emplois. En vertu d’un pacte avec le patronat, il a décrété une hausse de 16 % du salaire minimum, la plus forte hausse en 23 ans. Le salaire minimum est ainsi passé de 88 à 102 pesos par jour (5,11 USD). Mais dans la zone frontalière nord, le salaire a été porté à 176 pesos (8,79 USD). Une étude du Coneval a établi que le pouvoir d'achat réel des ménages à faible revenu avait diminué de 20 % entre 1992 et 2016 et que 53,4 millions de Mexicains (43,6 % de la population totale) vivaient sous le seuil de pauvreté, dont 7,6 millions qui vivaient dans l'extrême pauvreté. La moitié des enfants mexicains – plus de 20 millions – vit dans la pauvreté. Le gouvernement veut développer l’économie sociale. Il prévoit doubler la valeur des prestations de retraite et accorder une pension universelle aux personnes souffrant d’un handicap.

Il entend améliorer et étendre l’éducation en distribuant 10 millions de bourses (son slogan de campagne était : « Becarios sí, sicarios no »). Il parle de créer 100 universités publiques. Soucieux de valoriser le métier d’enseignant, il a mis fin aux évaluations arbitraires qu’avait instituées l’administration précédente. La création de deux millions de postes d’apprentis salariés en entreprise facilitera l’embauche des jeunes. Les entreprises ont déjà offert 300 000 postes.

L’accès aux soins de santé sera amélioré pour tous. Actuellement bien des Mexicains, ceux qui travaillent dans le secteur informel, n’ont pas accès aux soins ni aux médicaments gratuits réservés aux salariés qui paient des cotisations rattachées à leur condition de syndiqués.

Un combat sans merci sera mené contre la corruption et l’impunité. Une loi ferait de la corruption un délit grave, ce qui impliquerait que les membres du gouvernement, y compris le président, perdraient leur immunité et pourraient être jugés pour un tel délit au cours de leur mandat. Récemment AMLO s’est attaqué au vol de carburant qui afflige la rentabilité de Pemex. Ce vol a représenté des pertes de plus de 3,3 milliards USD en 2018, soit 60 % de ce que coûtera la hausse des pensions aux retraités! La « traite des oléoducs » s’est développée depuis 2000 sans que l’État ni Pemex n’interviennent. Des fortunes sont nées du détournement de carburant. En 2018, il y aurait eu 12 000 saignées. Les huachicoleros sont membres de cartels qui perforent les oléoducs, quitte à ce que de petites gens se servent ensuite, au risque de périr dans une explosion comme cela s’est produit dans l’État de Hidalgo. Les militaires ont été mobilisés pour la surveillance. Des oléoducs ont été fermés, obligeant Pemex à acheter des centaines de camions-citernes. Des pénuries de carburant en ont résulté, car le pays consomme 800 000 barils par jour.

Le Mexique entend récupérer sa souveraineté. Il ne sera plus une «piñata » que les invités rompent pour s’approprier les friandises. Le Mexique s’est retiré du Groupe de Lima dont la seule fonction était était d’œuvrer à un changement de gouvernement au Venezuela pour le compte des États-Unis. AMLO a rappelé le principe de base de la diplomatie mexicaine : la non-ingérence dans les affaires des autres pays. Et de prôner la résolution pacifique des conflits par la médiation.

Le commerce avec les États-Unis est un volet essentiel de l’économie mexicaine. Les échanges entre les deux pays totalisent annuellement 600 milliards USD et les investissements directs US dépassent les 100 milliards. Les transferts de fonds (35 milliards) effectués par des Mexicains établis au Nord sont la première source de devises. Plus de 1,2 million d’emplois aux États-Unis reposent sur les exportations au Mexique. On doit comprendre que la construction d’un mur sur la frontière gênerait ces échanges. Il ne saurait être question que la facture soit refilée au Mexique d’aucune façon. Concernant l’émigration, le Mexique veut par la création d’emplois mieux rémunérés réduire à la source l’incitatif à l’émigration transfrontalière. Il a demandé au voisin du Nord de participer à un programme de développement pour les pays d’Amérique centrale d’où partent ces caravanes de migrants qui inquiètent tant Donald Trump et ses partisans.

AMLO devra s’attaquer à l’insécurité et à la violence, celles qui sont imputables aux cartels et celles qui proviennent des forces de sécurité, avec comme bilan plus de 100 000 morts et des dizaines de milliers de disparus depuis 2006. La disparition forcée a commencé en 1968 sous la présidence de Díaz Ordaz. D’abord occasionnelle elle est devenue une pratique courante vers 1974 et au-delà sous l’empire de la « guerre sale ». Elle a pris une grande ampleur sous Calderón à la faveur de la guerre contre les narcotrafiquants, puis a continué de plus belle sous Peña Nieto. Le nombre de disparus s’établissait en janvier 2019 à 40 180. Selon AMLO, les problèmes de sécurité publique sont liés à la décomposition des corps policiers et à la corruption qui les gangrène. Il vient d’obtenir du Congrès et des États l’aval pour la création d’une Garde nationale composée de soldats de la marine, de l’armée et de la police fédérale, sous le commandement du ministère de la Défense. La militarisation de la sécurité publique a néanmoins soulevé des objections et des inquiétudes tant il est vrai que les militaires en ont mené large sous les administrations antérieures. On peut déjà porter au crédit du gouvernement la libération de prisonniers politiques et l’annonce d’une révision d’autres détentions sans procès. Beaucoup des prisonniers libérés étaient des résistants à la réforme éducationnelle. La détermination à ne pas criminaliser la protestation sociale est aussi très encourageante. Le gouvernement a enfin créé une commission d’enquête sur la disparition (donc l’assassinat) en septembre 2014 des 43 étudiants d’Ayotzinapa et le rôle qu’a tenu le gouvernement Peña Nieto dans l’exécution et le camouflage.

Si la « quatrième transformation » (la 4T) du Mexique peut soulever espoirs et enthousiasme, la tâche demeure titanesque. AMLO est pressé d’appliquer son programme, ce qui ouvre la porte à des improvisations et à des dérapages. Le président est élu pour un mandat de six ans non renouvelable. S’il n’est pas tout-puissant comme à l’époque de Porfirio Díaz, il dispose de beaucoup plus de pouvoir que le président des États-Unis, n’ayant pas à affronter une séparation des pouvoirs aussi rigide et un système de poids et de contrepoids. Il entend gouverner avec le peuple et le consulter au besoin quitte à bousculer les institutions et de gros intérêts. Déjà il a annulé le projet de construction d’un nouvel aéroport de Mexico après avoir consulté les citoyens affectés. Cette décision comme celle de relancer la production et la distribution d’électricité par l’entreprise d’État créent des remous et des résistances dans le secteur privé. Les uns en attendaient de juteux contrats de construction alors que les autres se sont enrichis de la vente de l’électricité à prix forts. La connivence entre les hautes sphères du pouvoir et les milieux d’affaires fut à l’origine d’enrichissements illicites.

Il est évident qu’AMLO dérange : des médias puissants deviennent la voix de l’opposition à ses mesures, à ses projets. Le président se fait de nombreux ennemis, ce qui ne peut qu’inquiéter son entourage dans un pays où l’assassinat politique a pris une ampleur dramatique. La dernière campagne électorale fut la plus mortelle de l’histoire mexicaine. Nombre d’élus et de militants ont récemment payé de leur vie leur engagement pour le changement.

Il n’empêche que la perception du public est toute autre. À près de 100 jours de son entrée en fonction, AMLO peut se targuer d’un taux d’approbation qui frise les 80 %, une situation totalement inédite dans le Mexique.

Le Brésil de Bolsonaro: continuités et ruptures

par Claude Morin, professeur retraité
Département d'histoire, Université de Montréal



La présidence Bolsonaro s’annonce désastreuse pour les Brésiliens et Brésiliennes. Et dans tous les domaines depuis l’économie (l’emploi, les salaires, les pensions), les rapports sociaux (exacerbés par la haine, le mépris, l’exclusion), l’insécurité (le port d’armes), les institutions (l’éducation, la justice, la vie parlementaire), la culture (porteuse d’une protestation), l’environnement (en Amazonie particulièrement), la souveraineté nationale (un alignement éhonté sur les politiques états-uniennes), la position du Brésil dans les forums régionaux et mondiaux. En d’autres mots, elle marque des ruptures sur plusieurs fronts. Elle annonce une série de reculs dramatiques. Mais en tant qu’historien je m’intéresserai ici davantage aux continuités pour signaler que l’avènement de Bolsonaro est davantage le produit de problèmes non résolus qu’une création spontanée. Et je laisserai à mes collègues le soin de détailler l’ampleur des ruptures et d’exposer sur les voies pour y faire obstacle et renverser la situation dramatique qui se profile sous cette présidence hors norme. Nous aborderons cette problématique en nous concentrant sur une liste de problèmes non résolus, qui sont à l’origine de ces continuités à la source de la crise actuelle.

L’injustice agraire

Le Brésil affiche la distribution la plus inégalitaire de la terre d’Amérique latine. Les propriétés de plus de 2000 ha occupent 42 % des terres cultivées. À l’inverse, 34 % des propriétés ont en moyenne 4,7 ha et n’occupent que 1,4 % des surfaces en culture. L’agriculture familiale représente 84 % des exploitations et 74 % de la main-d’œuvre, mais seulement 24 % des surfaces cultivées et 38 % de la valeur de la production agricole. En 1997, 35 083 grands domaines occupaient 153 millions d’hectares, une superficie équivalente à la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche, laquelle correspondait à la moitié des superficies agricoles du Brésil, un pays qui comptait 4 millions de paysans sans terre. Fondé en 1984, le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) a multiplié les actions et les occupations. Entre 2000 et 2012, 458 militants ont été tués. Aucun gouvernement, même celui de Lula qui a concédé plus de lopins (614 000 familles en ont bénéficié) que ses prédécesseurs, n’a confronté ce problème et procédé à une réforme agraire conséquente. L’État affiche sans vergogne un préjugé favorable pour l’exploitation commerciale. L’agrobusiness (dont les éleveurs) est nettement au pouvoir avec Bolsonaro. La bancada ruralista a désormais une capacité de blocage au parlement. L’Amazonie est devenue l’enjeu de tous les appétits. La déforestation y avance au rythme de trois terrains de foot à la minute! Le Brésil devient un immense Far West où s’impose la loi du plus fort, la déréglementation tous azimuts.

La persistance de la pauvreté et sa cascade de maux (la faim, l’ignorance, la surmortalité)

La Fondation Abrinq a constaté en 2018 que plus de 40 % (16M) des enfants et ados de moins de 15 ans vivent dans la pauvreté. De ce nombre 5,8M (ou 13,5 %) vivent dans la misère (extrême pauvreté). La faim demeure un problème persistant, particulièrement dans le Nord-Est et dans les favelas. Un proverbe brésilien dit : "Le pauvre mange de la viande quand il se mord la langue." La non-scolarisation des enfants tout comme la désertion scolaire demeure un problème. Le travail infantile représente 6 % des travailleurs (2,5M). À la fois causes et conséquences, les bas salaires, l’emploi précaire, le chômage, le travail informel ou au noir sont le lot de millions de Brésiliens. Le Brésil est affligé par d’énormes écarts de revenus et de fortunes. Ceux-ci ne sont corrigés en rien par une fiscalité conséquente, par l’impôt progressif (sur le capital, les revenus ou la succession). Les impôts qui ont le plus de poids portent sur les biens et services, sont indirects et sont donc de type régressif (dont une TVA de 17 à 19 %). Le Brésil est ainsi l’un des pays les plus inégalitaires de la planète. Les 10 % les plus riches concentrent 50 % des revenus, dont 1 % détient 28 % des richesses. Le coefficient Gini qui mesure l’inégalité des revenus se situait à 0,61 en 1990, à 0,59 en 2001 et à 0,52 en 2011. Pour le Canada, il s’établit à 0,31.

Le racisme et la discrimination fondée sur la couleur

Ils sont un héritage de l’esclavage et du colonialisme. Je citerai une métaphore. Le sucre a longtemps été la principale ressource d’exportation. Le Brésil était à l’image du pain de sucre (pão de açucar). La société se cristallisait avec les Blancs en haut, les gens au teint brun étant tenus en moindre estime au milieu, et les esclaves noirs se retrouvant en bas, comme pour la panela. Au Brésil, un « travail de noir » est encore un travail bâclé. Dans les petites annonces, une offre d’emploi qui précise une « bonne apparence » n’est pas destinée à un Noir.

Une distance sociale et un mépris pour les gens d’en bas

En vertu d’une hiérarchie venue de l’époque coloniale et esclavagiste, le Brésil est le pays du savoir-qui : « Voce sabe con quem está falando? Le recours à l’intimidation fait partie du rituel dans les interactions entre le haut et le bas de la pyramide. Le subalterne subit les affronts des gens bien qui se croient tout permis. L’usage généralisé des prénoms et des sobriquets, y compris pour désigner le président, crée l’illusion d’une proximité. Chacun doit occuper sa place et respecter les distances. Les élites acceptent mal la discrimination positive dans l’accès à l’éducation supérieure mise en place sous les gouvernements pétistes quand les universités publiques ont favorisé l’admission d’étudiants venus des secteurs pauvres et de couleur.

La violence sexuelle

Elle est d’abord dirigée contre les femmes. Les féminicides et la criminalisation des avortements en sont la marque. La violence contre les femmes a doublé en 30 ans, plaçant le Brésil au 7e rang mondial. Le Brésil est aussi le pays où l’on tue le plus de LGTBIQ. Les propos de Bolsonaro et consorts ont conforté les électeurs des classes moyenne et supérieure dans leur rejet des politiques PT, les incitant à étaler leur misogynie, leur racisme, leur homophobie, leurs préjugés envers les plus pauvres. La société brésilienne est très violente. Bolsonaro a capitalisé sur les préjugés, les hantises, les ressentiments de ses compatriotes. Devenu président, il continue à attiser la haine contre la gauche (les « marxistes », les « rouges »), les femmes, les LGBT+, les ONG, les délinquants et à encenser les militaires et les policiers.

Une citoyenneté limitée

Longtemps, jusqu’en 1988, les analphabètes furent exclus des scrutins. Le clientélisme (coronelismo) fut la norme : le contrôle des électeurs. Les élites n’ont pas pris au sérieux la constitution de 1988, élaborée au sortir de la dictature, et qui avait comme objectif la démocratisation du pays. Je rappelle les propos de Carlos Lacerda, leader de la droite, à propos de Getúlio Vargas aux élections de 1954 : « Il ne doit pas être candidat. S’il l’est, il ne doit pas gagner. S’il gagne, il ne peut assumer. Et s’il assume, nous devons l’empêcher de gouverner ». Cette recette, la droite l’a appliquée contre Lula en 2018. Elle a fait en sorte que Lula ne puisse être candidat. Confronté à l’opposition de la droite, G. Vargas se suicida, João Goulart fut sans doute assassiné en 1976 par empoisonnement dans le cadre de l’Opération Condor. Lors de la dernière campagne, la droite, conseillée par Steve Bannon et consorts, a appliqué la stratégie électorale des États-Unis qui consiste à identifier des wedge issues : mettre en valeur des questions morales susceptibles de mobiliser les électeurs (avortement, droits des minorités sexuelles, identité de genre, prière à l’école). L’équipe Bolsonaro y a ajouté des tactiques frauduleuses, tel l’envoi de 350M de faux-messages Whatsapp expédiés avec des mensonges à des comptes ciblés et, surtout, l’adoption du modèle de la post-vérité qui lui permet de dire n’importe quoi sur n’importe quel sujet sans apporter de preuves.

La corruption bureaucratique et politique

Le quotidien brésilien connaissait le jeitinho (offrir un cadeau à un fonctionnaire pour obtenir une faveur ou accélérer un service ou contourner une loi). Le système politique a fait naître une autre corruption. D’abord celle pour se faire élire : les campagnes électorales coûtent de plus en plus cher. Elles seront financées au moyen des contributions illicites de sociétés (Caixa Dois). Et pourtant le Tribunal suprême fédéral a statué en septembre 2015 que les contributions électorales des sociétés étaient illégales. Ensuite, la fragmentation du Congrès (près de 30 partis) fait qu’il est impossible d’adopter des lois sans négocier les votes de députés. Sans distribuer des enveloppes brunes ou des faveurs (des postes : plus de 20 000 fonctionnaires fédéraux). D’autant plus que les affiliations partisanes sont très fluides. Bolsonaro a transité par neuf partis avant d’aboutir au PSL. La campagne contre la corruption a été le terreau sur lequel s’est développée la campagne anti-pétiste comme si le PT était le créateur de ce mal systémique. L’Opération Lava Jato a révélé que des centaines de politiques ont profité des contributions. Le pauliste Paulo Maluf a été le symbole du politicien démagogue et corrompu. Maire, gouverneur, député, candidat à la présidence, il a, grâce à la complicité d’entreprises de travaux publics qui surfacturaient leurs contrats, détourné plus de 93M$ vers des paradis fiscaux. Le tunnel passant sous le parc Ibirapuera aurait été le plus dispendieux au monde. Condamné en 2001, il fut néanmoins réélu député fédéral, y compris en 2010. Il se vantait de voler mais d’agir (rouba mas faz). Le verbe malufar a été créé pour signifier détourner, voler.

L’impunité et l’ignorance du passé

La dictature militaire (1964-1985) n’engagea le processus de retour à la démocratie qu’après que la société eût accepté la loi d’amnistie d’août 1979 qui accordait l’immunité et l’impunité à tous les auteurs d’enlèvements, viols, tortures et assassinats. Ce passé demeura exclu de toute évaluation judiciaire. Les militaires ne pardonnèrent pas à Dilma Rousseff d’avoir créé la Comissão Nacional da Verdade en 2011. Cette commission remit son rapport en déc. 2014. Les militaires ne reconnurent pas leur responsabilité. Ils contestèrent le rapport. Cela permet aujourd’hui à J. Bolsonaro de maquiller ce passé. Refusant de parler de « dictature » il use d’un euphémisme : « période militaire ». Il prétendait commémorer en mars 2019 le coup d’État de 1964. L’ex-capitaine a célébré le tortureur Carlos Brilhante Ustra, notamment le 17 avril 2016 lors du vote de destitution de Dilma. S’adressant à sa veuve, il l’a même qualifié de « héros national » malgré les 47 enlèvements et homicides qu’on lui attribue.

Le rôle déterminant de la religion dans un État laïc

La séparation de l’Église et de l’État il y a plus d’un siècle n’a pas sorti la religion de l’espace public. Elle a plutôt débouché sur un pluralisme religieux en mettant fin au monopole catholique. Les religions afro-brésiliennes en profitèrent, mais le protestantisme gagna également du terrain. Le Brésil catholique se distingua dans les années 1960 par le développement des « communautés ecclésiales de base ». Une Église progressiste se développa proche des gens. Mais Jean-Paul II contribua à discréditer et à combattre la « théologie de la libération ». Ce fut parallèlement le développement des sectes évangéliques. Celles-ci représentent le nouveau Brésil. Le tiers des Brésiliens appartiennent aux églises évangéliques : près de 100 députés en sont membres (sur 513). Un Front Évangélique s’est constitué au Congrès aux côtés de la Bancada Ruralista. Le néopentacôtisme se développe dans les couches pauvres désorientées par l’impact du néolibéralisme. Il répond au démantèlement des réseaux de protection sociale et au vide individualiste en fournissant une sociabilité, un sens de communauté, une illusion de sécurité, une identité en somme. C’est un « opium » servi comme remède. À la « théologie de la libération », il substitue la « théologie de la prospérité ». Le sociologue Boaventura Sousa de Santos attribue aux effets sociaux du néolibéralisme la renaissance des fondamentalismes religieux. Sous Bolsonaro, l’emprise du religieux sur l’exécutif (Éducation, Affaires étrangères, Environnement, Famille) est un trait dominant. Rappelons son slogan de campagne : « Brésil est au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous ». Ernesto Araújo, le ministre des Relations Extérieures, considérait, dans un article publié en janvier 2019 dans la revue états-unienne New Criterion, que la « Providence divine » avait participé à l’élection de Bolsonaro. Il y affirmait que « Dieu sera “dans la diplomatie, dans la politique, partout” ». Le Dieu des évangéliques est un Dieu punitif taillé sur mesure pour un État autoritaire.

Une justice de classe

Les Brésiliens ne sont pas égaux devant la loi. L’élite a la capacité de manipuler et d’orienter les lois en sa faveur. Elle peut se soustraire aux lois. « Pour nos amis, tout; pour nos ennemis, la loi ». On le voit avec l’injustice qui vaut l’emprisonnement de Lula, le président qui a fait le plus pour les pauvres. Ceux qui ont fait le coup d’État contre Dilma Rousseff ont été de toutes les formes de corruption et pourtant ils ont presque tous échappé à toute sanction, y compris Michel Temer. « Para ingrês ver », disait-on au 19e s pour expliquer l’écart entre la loi et la pratique. Les lois existaient pour impressionner les étrangers, les Britanniques, qui multipliaient les pressions contre la traite négrière. Le Brésil est un pionnier du « lawfare » et le juge Sérgio Moro en a été le chef d’orchestre. Dans le lawfare, sur le modèle du warfare, le droit est dévoyé pour l’atteinte d'objectifs politiques. On parle de la « judiciarisation de la politique » ou de la « politisation du judiciaire ». La justice devient éminemment politique. Dans les procès auxquels a été soumis Lula, on n'a pas respecté les règles techniques pour qu'un procès soit juste. Lula a été victime d'une « condamnation annoncée » de la part de tous les juges des diverses instances, depuis Lava Jato. On sait maintenant que le délateur (récompensé), cadre chez Odebrecht, a déposé des preuves trafiquées (des documents bancaires, financiers) afin de fonder sa version à l'effet que Lula aurait reçu un appartement dans une station de villégiature en récompense pour l'obtention de contrats de construction de la société étatique Petrobras. Les communications échangées entre le juge Sérgio Moro et les procureurs démontrent que le juge Moro, au mépris du droit brésilien, faisant fi de son devoir d’impartialité, a instrumentalisé et orienté l’enquête pour s’assurer que Lula serait condamné et exclu des élections d’octobre 2018. Comme prix de sa partialité, il a été nommé ministre de la Justice, un tremplin pour accéder au Tribunal suprême fédéral. Du Brésil, le lawfare a été adopté par d’autres gouvernements de droite (Mauricio Macri et Lenín Moreno) contre des adversaires progressistes (Cristina Fernández de Kirchner en Argentine et Rafael Correa en Équateur) pour tenter de bloquer leur retour au pouvoir.

Une insécurité omniprésente

Avec un taux d’homicides de 26 morts pour 100 000 habitants, le Brésil figure parmi les cinq pays les plus violents au monde. En 2010, les homicides comptent pour 40 % des causes de mort des 15-24 ans contre 23 % en 1980. Selon le 9e Annuaire brésilien de la sécurité publique que cette ONG publie chaque année, 58 559 personnes ont été victimes d'homicide volontaire au Brésil en 2014, année où le pays a accueilli le Mondial de football. Le rapport inclut notamment les blessures suivies de mort et les meurtres commis lors de vols, dénombrant au total 3022 homicides de civils par la police et 398 agents tués dans ces opérations. Les forces de sécurité ont été ainsi responsables de 5 % des meurtres répertoriés par cette ONG. Non seulement la police exerce la violence, mais elle est corrodée par la corruption. La pacification des favelas et l’incorporation de milices entraînent une dérive mafieuse de la police locale, perpétrant rackets, extorsions, exécutions extrajudiciaires, actes de torture et pressions contre les acteurs locaux. Ce qu’illustre bien le film Tropa de elite (2007). Les opérations de nettoyage des favelas consistent trop souvent à déplacer les criminels. La verticalisation des immeubles huppés protège grâce à des gardiens armés. La maison particulière n’est viable qu’à l’intérieur d’un condominio fechado, un lotissement entouré de hauts murs, bardé d’électronique et gardé. La promesse et la réponse de Bolsonaro fut d’édicter une loi autorisant les Brésiliens à posséder jusqu’à quatre armes. Une loi destinée à satisfaire le lobby des armes et de la répression individualisée, une des composantes de sa « base dure », constituée des « trois B » (Bíblia, Boi e Bala).

Le poids des médias

L’opinion d’une majorité des Brésiliens est façonnée par des médias hégémoniques, le groupe Globo, ses journaux, ses chaînes de nouvelles et ses telenovelas. Et par les chaînes de radio et de télévision qui appartiennent aux Églises évangéliques et qui y distillent leur conservatisme moral et économique, car ces Églises exploitent la crédulité et l’insécurité à leur profit extorquant leurs fidèles pauvres. Les gouvernements PT n’ont pu mettre en place une législation pour démocratiser les médias. Les grands médias (Globo, Veja, Folha, etc.) ont fait de l’anti-pétisme leur cheval de bataille, usant de tous les moyens pour discréditer Dilma, Lula et le PT. Les médias sociaux se sont joints à cette campagne. Ils reviendront à la charge en appui au candidat Bolsonaro. La gauche a mis du temps à construire ses propres canaux afin de disputer avec efficacité l’espace occupé par la droite politique et religieuse. Pour Manuel Castells, la désinformation massive, combinée à un manque d’éducation politique, constitue le terreau d’un nouveau type de dictature. Les citoyens n’ont pas les outils pour traiter correctement l’information « déformée ».

Un terrain politique miné

Élu président en 2002, à sa quatrième tentative, Lula a adopté une stratégie de « négociation » avec les élites qu’il a voulu rassurer. Il a réussi l’impossible : donner aux pauvres sans enlever aux riches. Sa popularité de 80% en fin de second mandat est exceptionnelle. Mais faute d’avoir entrepris et réalisé des réformes de structures, il a créé l’illusion que la droite économique allait continuer à collaborer. Ses politiques publiques (dont Fome Zero, Bolsa Familía) ont certes permis à 50 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté. Les gouvernements PT ont favorisé la croissance d'une classe moyenne par l'accès au consumérisme (au crédit), mais ils n'ont pas travaillé à développer une conscience politique et de classe chez ceux qu'ils avaient arrachés à la pauvreté. Faute d’avoir lutté collectivement au sein d’organisations pour leurs droits, les anciens pauvres se sont attribué individuellement le mérite et sont devenus conservateurs quand la crise économique a réduit la capacité de redistribution du gouvernement PT. Si bien que ces rescapés étaient disponibles pour la manipulation des médias, des églises, des élites au nom de la lutte contre la corruption, l'insécurité et les campagnes contre les droits des LGBT+. Lula n’était pas Chávez qui sut encourager les organisations à la base, les communes et les coopératives. Face à l’adversité, les chavistes ont une attitude combattante. Ils se mobilisent dans la rue et votent en toute conscience de leurs intérêts. En 2018, des millions de Brésiliens ont voté contre leurs intérêts, manipulés par les médias sociaux, les grands médias (l'empire Globo et l'empire biblique). Et d’autres (20 %) ont exprimé leur ras-de-bol face à la classe politique en s’abstenant dans un pays où le vote est théoriquement obligatoire, provoquant l’effondrement au premier tour du PSDB et du PMDB, les deux principaux partis de centre-droit et rivaux du PT.

Une réforme politique qui n’a pas débouché sur la transformation

Au moment de son adoption, la Constitution brésilienne était la plus longue au monde. En 30 ans, elle a subi plusieurs chirurgies esthétiques sous les coups de bistouri de plusieurs dizaines d’amendements. Son défaut est qu’elle intègre des normes et des droits qui auraient dû faire l’objet de lois ou de décrets spécifiques. La réforme politique devrait passer par une réforme de la Constitution. Ce qui exige des majorités des trois cinquièmes et des allers-retours entre le Congrès et le Sénat. On ne peut réformer le pays sans réformer la Constitution. D’où la difficulté qui s’ajoute à la résistance des législateurs à modifier un cadre qui les avantage, des congressistes qui ne passent que trois jours à Brasília (du mardi matin au jeudi après-midi!). La capitale est au centre d’un pays-continent mais loin des régions où se concentrent 90 % de la population. Le Brésil demeure le pays des grenouilles qui entendent vivre près de la mare, donc de l’Atlantique!

La relation spéciale » avec les États-Unis

Tout au long du XXe siècle, le Brésil a prétendu bâtir et entretenir une relation spéciale avec les États-Unis. Il était le géant du Sud. Il a participé à la Deuxième Guerre mondiale, envoyant un contingent en Italie. Il a loué des bases aux États-Unis recevant en retour un important financement pour lancer la sidérurgie à Volta Redonda. Il fut l’allié de Washington contre l’Argentine péroniste. Le coup d’État de 1964 inaugure, avec l’accord de l’administration Johnson, l’ère des dictatures militaires en Amérique du Sud. Henry Kissinger voyait dans le Brésil des militaires un partenaire régional et global, mais les intérêts du Brésil et de Washington ne coïncidèrent pas toujours. Ainsi le Brésil reconnut le gouvernement MPLA en Angola. Les États-Unis sabotèrent pour leur part un accord avec l’Allemagne concernant le nucléaire brésilien. Sous le PT (2003-2016), le Brésil a souvent indisposé Washington par ses positions à propos du libre-échange , du Venezuela, du Moyen-Orient, de l’Iran. Bolsonaro a rompu l’équilibre et prétend aligner le Brésil sur la politique commerciale et globale des États-Unis. Au point que Trump voudrait faire du Brésil son « principal allié hors de l’OTAN ».

Une diplomatie à la dérive

Le Brésil s’est construit plus sur la base de traités que de guerres. Ce sont des occupations – pensons au rôle des bandeirantes – suivies de négociations et de traités qui lui ont permis de s’étendre vers l’ouest au-delà de la ligne de Tordesillas aux dépens des territoires hispano-américains, puis vers le Nord dans le bassin amazonien. Le ministère des Affaires étrangères a eu à son service au XXe siècle des fonctionnaires et diplomates très bien formés. Itamaraty s’est distingué par la compétence non partisane de son personnel, des fonctionnaires de carrière, une anomalie au pays de l’empreguismo (des postes politiques). Or Bolsonaro s’est mis en tête de changer toute la politique étrangère du Brésil et ses agents. D’où ces réalignements et ces nominations idéologiques, voire loufoques, telle sa prétention à désigner son incompétent de fils Eduardo (35 ans) comme ambassadeur à Washington. D’où ses frasques sur la scène internationale, tel son rendez-vous manqué avec le ministre français des Affaires étrangères : il lui avait préféré une visite chez son coiffeur! Son dernier impair, en rupture avec la tradition de réserve observée par les dirigeants brésiliens lors d’élections dans les pays voisins, fut de qualifier de « bandidos de esquerda » (bandits de gauche) le tandem Alberto Fernández-Cristina Kirchner vainqueur lors des primaires en Argentine face à son allié Mauricio Macri en passe de perdre la présidence en octobre prochain. Et de reprendre à leur propos le néologisme polémique « esquerdalha », fusion de « gauche » et « canaille ».

* Texte pour un exposé au panel-débat « Le Brésil, le régime Bolsonaro et la lutte pour la démocratie », organisé par le Réseau solidarité Brésil-Montréal, le 24 août 2019, au 5359, avenue du Parc, Montréal.

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