par
Claude Morin (claude.morin@umontreal.ca)
La version ci-dessous date du 19 avril 2021. Les considérations que j'y expose tiennent toujours pour l'ensemble du texte. Sur deux points cependant j'ai péché par optimisme.
Je croyais à l'époque que l'administration Biden entreprendrait un rapprochement avec Cuba en abrogeant au moins certaines mesures adoptées par l'administration Trump. Cela figurait parmi les promesses de Biden lors de sa campagne à la présidence. Or il n'en fut rien. Loin d'avoir assoupli le blocus, Biden a ajouté de nouvelles mesures au nom de la défense des droits de la personne, de la promotion des libertés et de la démocratie. L'obsession électoraliste en prévision des élections de mi-mandat (en novembre 2022) et la perspective de possibles gains républicains aux deux chambres jouent un rôle. Mais y contribue également un calcul cynique en vue d'un gain en politique étrangère. Chercher à profiter de la pandémie et des pénuries
qu’elle aggrave pour susciter la désespérance et la révolte dans l’île en téléguidant les opérations de ses agents comme ce fut le cas le 11 juillet dernier. Et à nouveau le 15 novembre lorsque des "artistes"-mercenaires prétendaient tenir une manifestation "pacifique" dans plusieurs villes. Les autorités cubaines leur coupèrent l'herbe sous le pied en déclarant la manifestation illégale parce qu'elle attentait à des articles de la Constitution et qu'elle visait à troubler la paix sociale. Pour Washington la stratégie subversive est toujours à l'ordre du jour. Les fonds et les espoirs portent désormais sur l'affrontement culturel et l'opposition d'artistes qu'on recrute et qu'on finance. On en fait les agents pour rallier la jeune génération. Les médias sociaux sont les vecteurs. La
Maison-Blanche fait preuve de cynisme lorsqu’elle demande au
gouvernement cubain – qu’elle qualifie d’« autoritaire » – d’écouter les
protestataires. Alors que c’est elle qui est responsable de la
souffrance que connaissent les Cubains et qu’elle prétend utiliser de
façon opportuniste la pandémie pour orienter le cours des événements à
Cuba. Comme si Cuba était un fruit mûr prêt à revenir dans le giron états-unien.
L'administration Biden n'a pas modifié non plus sa position face au Venezuela. Tout au plus a-t-on cessé d'ajouter aux mesures coercitives mises en place par Trump. L'industrie pétrolière peut ainsi reprendre du mieux et apporter des devises à une économie autrement exsangue. La situation a également évolué sur le terrain politique. Le gros de l'opposition a accepté, après des discussions avec les émissaires de Maduro à Mexico, d'abandonner l'abstentionnisme et de participer aux élections régionales de décembre dernier. Plusieurs de ses dirigeants ont même désavoué la ligne défendue par Juan Guaidó, la jugeant destructrice et sans avenir. Pourtant Washington reconnaît toujours ce dernier comme "président en exercice", alors que le soutien international se réduit désormais à 16 États au lieu des 50 qui le soutenaient en 2019. Le Groupe de Lima a perdu des membres et n'apparaît plus pertinent pour sa mission d'appui à un "changement de régime" à Caracas. Le gouvernement canadien aura fait fausse route en s'engageant à fond dans des manoeuvres visant à renverser le gouvernement Maduro (en pilotant la création du Groupe de Lima, en s'acoquinant avec Guaidó, en créant des sanctions de son crû), bref, en faisant cause commune avec l'impérialisme états-unien.
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L’administration
Trump, on en conviendra, a été calamiteuse pour tous les pays
d’Amérique latine depuis le Mexique jusqu’au Brésil. Elle l’a
surtout été pour les forces progressistes. Elle l’a été
particulièrement pour Cuba, le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur.
Et cela vaut aussi pour Haïti. Ces pays et leurs populations ont
ainsi souffert de deux virus, du virus Trump d’abord à partir de
2017 (et de ses variants tels Jair Bolsonaro et Lenín Moreno qui se
sont inféodés à Trump, adoptant ses politiques néolibérales et
ses propos agressifs à l’endroit de groupes sociaux et de
nations), puis de la Covid-19 à partir de mars 2020.
Trump
n’a eu que mépris pour l’Amérique latine : en témoignent
ses propos sur les Mexicains (« narcos » et
« violeurs »), les immigrants (« criminels »
et « terroristes ») et sur Haïti (identifié parmi les
« shithole countries »). Il n’a pas daigné y mettre
les pieds pendant son mandat. Sa présidence s’est caractérisée
par une rhétorique agressive, des discours de haine, un recours
débridé aux sanctions, des menaces d’intervenir (« toutes
les options sont sur la table », à propos du Venezuela). Il a
ciblé des ennemis. John Bolton, son conseiller à la sécurité
nationale, l’a invité à affronter la « troika of tyranny »
: Cuba, Venezuela, Nicaragua. Il a fait du regime
change
son objectif. Contre Cuba, il a adopté plus de 240 mesures
coercitives pour compléter l’arsenal du blocus en place depuis
près de 60 ans. Contre le Venezuela, il s’est attaqué à sa
jugulaire, la pétrolière PDVSA, afin d’étrangler l’économie
et de priver le gouvernement de moyens dans un pays qui tire 95 % de
ses revenus de la vente du pétrole. Il a saisi la filiale Citgo
opérant aux États-Unis et utilisé les recettes pour financer la
construction de sections de « son mur » sur la frontière
avec le Mexique.
Trump
a échoué sur toute la ligne. Il n’a réalisé aucun de ses
objectifs : il n’a pu renverser Nicolás Maduro; la révolution
cubaine maintient le cap résistant comme elle l’a fait depuis six
décennies; Daniel Ortega a survécu à un mouvement de contestation
animé par Washington en 2018. Le coup d’État en Bolivie a été
renversé par des élections qui ont remis le MAS solidement au
pouvoir face à une droite discréditée. En juillet 2018, le Mexique
a élu le gouvernement le plus progressiste de son histoire, un
gouvernement qui avait annoncé en campagne qu’il ne serait pas la
« piñata »de
personne et qu’il défendrait la souveraineté du pays.
Que
peut attendre l’Amérique latine de l’administration Biden? D’un
président qui a eu la plus forte exposition à la région? Comme
sénateur et vice-président, Biden y aurait fait 16 visites. Sa
longue expérience d’homme politique et sa personnalité
chaleureuse
devraient le disposer à la négociation et au compromis. Le
changement le plus visible, après quatre années de Trump, en sera
un de style et de forme. On doit attendre un retour à la diplomatie
et au multilatéralisme. Le choix d’Antony Blinken comme secrétaire
d’État en témoigne, rompu qu’il est aux arcanes de la
diplomatie depuis l’ère Clinton. Mike Pompeo, en revanche, était
à l’image de Trump, une brute, un cosaque, porté à
l’intimidation.
On
ne saurait toutefois entretenir des illusions. Les États-Unis
demeureront eux-mêmes sans égard à qui contrôle la présidence et
le sénat. En politique étrangère, les démocrates sont plus
internationalistes et prétendument idéalistes et les républicains
plus isolationnistes et pragmatiques, mais tous deux ont une vue
impériale des intérêts de leur pays dans le monde. Les
administrations républicaines (Eisenhower, Nixon, Reagan, Bush)
comme démocrates (Kennedy, Obama) ont dirigé des interventions
militaires ou ont organisé des coups d’État
en Amérique latine. Il leur est commun de considérer la région
comme leur arrière-cour, d’y combattre les forces réformistes et
nationalistes comme des menaces à leur hégémonie dans leur
« hémisphère » ainsi qu’à leur crédibilité comme
leader mondial. D’y voir un marché privilégié pour leurs
produits et une source librement accessible de matières premières,
d’y promouvoir les intérêts de leurs multinationales, de tenter
de circonscrire l'intervention et le dirigisme des États dans
l'économie, de promouvoir l’entreprise privée, l’investissement
étranger et les prêts, de faire de l’assistance un canal pour
l’ingérence dans les priorités de ces gouvernements et pour la
cooptation des forces de sécurité à leur vision du monde.
Depuis
1945, pourtant, l'Amérique latine n'a jamais figuré comme un espace
prioritaire, sauf lorsqu’une crise la plaçait sur l’avant-scène
(Cuba, Chili). Sa position subalterne a évolué en fonction des
défis qui se posaient à l'échelle planétaire. Pendant un
demi-siècle, ce fut la Guerre froide, dans le conflit qui opposait
les États-Unis à l’URSS, au communisme. Aujourd’hui, c’est le
conflit avec la Chine, à la fois commercial, pour l’accès aux
ressources, et géopolitique, découlant des communications et des
infrastructures liées à la nouvelle route de la soie (au projet
« Une ceinture, une route »).
L’administration
Trump a invoqué la « doctrine Monroe » en vue d’affirmer
le contrôle géopolitique sur la région. Biden n’en fera pas sans
doute pas mention, tant c’est une invocation éminemment offensante
pour la sensibilité latino-américaine. Pendant près de deux
siècles, elle a servi à justifier des invasions, des soutiens aux
dictatures militaires, le financement de forces de sécurité
impliquées dans des violations massives des droits de la personne,
le chantage et le sabotage économiques (pensons au cuivre chilien
sous Allende, à la spéculation contre le bolivar sous Maduro), le
soutien à des coups d’État pour renverser des gouvernements
dûment élus. Obama n’a pas invoqué la doctrine Monroe, mais cela
ne l’a pas empêché d’accompagner des coups d’État d’un
genre nouveau au Honduras (2009), au Paraguay (2012), au Brésil
(2016), menés par des frondes parlementaires, judiciaires et
médiatiques. C’est aussi Obama qui a décrété en mars 2015 que
le Venezuela constituait une « menace inhabituelle et
extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique
étrangère », ouvrant la voie juridique à l’adoption de
mesures coercitives contre ce pays. C’était le même Obama qui
prenant acte de l’échec d’une politique agressive contre Cuba a
entrepris une « normalisation » des relations en décembre
2014. Sa démarche, saluée en Occident comme un virage « historique
»,
reposait sur un calcul non dépourvu d’arrière-pensées
subversives : en appeler au soft
power
pour tenter de séduire et de ramener
au capitalisme un pays socialiste.
Biden
traine de l’époque où il était un sénateur engagé en politique
étrangère un passif qui lui est propre. N’a-t-il pas justifié
son choix comme coéquipier par le fait qu’Obama « manquait
d’expérience en politique étrangère »?
Biden s’est toujours retrouvé parmi les partisans des aventures
militaires, y compris quand il fallut justifier la guerre en Irak par
le mensonge sur les armes de destruction massive qu’aurait détenues
Saddam Hussein. Concernant l’Amérique latine, il s’est dit fier
d’avoir piloté au Sénat le plan Colombie. “I’m the guy who
put together Plan Colombia » a-t-il dit en campagne au Des
Moines Register.
Or le plan Colombie était une réponse militaire à une crise
politique et sociale. Sous le couvert de combattre le narcotrafic et
les mouvements de guérilla, il a renforcé la mainmise d’Álvaro
Uribe sur la politique colombienne, a corrompu les militaires, a
entraîné un désastre écologique (par les fumigations au
glyphosate de deux millions d’hectares), a créé plus de trois
millions de déplacés, fait des dizaines de milliers de victimes,
dont plus de 6 000 morts (les « faux positifs »
quand l’armée colombienne assassinait des civils pour gonfler ses
statistiques et toucher des primes). Le plan Colombie a été un
échec en matière de politique anti-drogue. La Colombie fournit 90 %
de la cocaïne importée aux États-Unis. Ce n’aura été qu’un
prétexte. Washington aura englouti 10 milliards de dollars dans
l’équipement et la formation de l’armée colombienne en vue d’en
faire une force supplétive au service de ses interventions en
Amérique du Sud, particulièrement contre le Venezuela, et de son
admission en 2018 comme partenaire mondial de l’OTAN. Le plan
Colombie aura amplifié et porté à son paroxysme les violations des
droits de la personne. Les massacres et les assassinats de leaders
sociaux et d’ex-guérilleros n’ont fait qu’augmenter depuis la
signature des accords de paix en 2016. L’Instituto de Estudios para
el Desarrollo y la Paz, en un peu plus de 12 mois depuis 2020, a
dénombré 110 massacres (446 victimes), l’assassinat de 342
leaders sociaux et défenseurs des droits, de 12 membres de leurs
familles et de 74 signataires des accords de paix. Un passif
que Biden
voudrait
ignorer!
Biden
appartient à cette école qui veut bien ignorer la corruption et la
violation des droits de la personne en échange de résultats à
court terme, qui favorise les prêts de banques de développement en
les conditionnant à des mesures d’austérité et qui défend des
projets liés à l’extraction des ressources naturelles au profit
des sociétés états-uniennes. Dans son esprit, le développement
passe par le secteur privé et l’investissement étranger. Le rôle
des gouvernements est de créer les conditions propices pour ces deux
piliers. Trump a imposé en fin de mandat l’élection de Mauricio
Claver-Carone, un ultra-néolibéral, un ennemi des gouvernements
progressistes, à la présidence du Banco Interamericano de
Desarrollo (BID), un poste qui avait toujours été détenu par un
Latino-Américain. Les démocrates et plusieurs pays
latino-américains s’opposaient à ce candidat clivant et
demandaient le report de l’élection. Il est peu probable que Biden
accompagne un mouvement visant à le remplacer.
Quelle
pourrait être la politique de l’administration Biden à l’égard
de ces pays qui ont le plus souffert de l’animosité de
l’administration Trump, une animosité que Trump a portée à son
paroxysme en raison de calculs électoraux ou parce qu’il
appliquait aux relations bilatérales une façon de faire qu’il a
pratiquée comme homme d’affaires, soit négocier en usant de
l’intimidation.
Cuba
– Biden va-t-il restaurer la situation qui prévalait en janvier
2017, un Obama-redux?
Je
rappelle que Trump a mis en place 240 mesures destinées à durcir le
blocus instauré en février 1962. Ces mesures visaient à priver
Cuba de revenus venant du tourisme (interdiction des croisières,
réduction des vols au seul aéroport de La Havane, interdiction des
voyages favorisant les contacts people-to-people),
à réduire les transferts monétaires (par le biais de Western
Union), à bloquer les livraisons du pétrole vénézuélien (en
sanctionnant l’entreprise Cubametales),
à gêner les investissements étrangers (par l’application du
chapitre III de la loi Helms-Burton). Interdiction fut faite de faire
affaire avec des sociétés cubaines liées aux forces armées ou au
parti communiste. À défaut de fermer l’ambassade à La Havane, on
retira presque tout le personnel sous prétexte qu’il était
victime d’une attaque mystérieuse. Conscient que Cuba vendait des
services médicaux et en tirait à la fois des revenus et un
prestige, on a mené une campagne de dénigrement contre
l’internationalisme médical et de pressions sur des pays pour
qu’ils résilient des contrats les liant au ministère de la Santé
cubaine. Les États-Unis ont cherché à profiter de la pandémie
pour resserrer le garrot. Le blocus a fait que des équipements
médicaux donnés à Cuba par la firme Alibaba n’ont pu être
livrés parce qu’elle en avait confié le transport à une ligne
colombienne rachetée par une ligne états-unienne. En avril, la
société Medicuba a appris qu’en vertu du blocus elle ne pourrait
se procurer des respirateurs de ses deux fournisseurs européens, IMT
Medical AG et Acutronic, qui venaient d’être acquis par Vyaire
Medical Inc. (Illinois). Et Pompeo de réinscrire Cuba sur la liste
des pays soutenant le terrorisme afin de compliquer encore plus le
démantèlement de ces mesures, une liste sur laquelle Cuba avait
figuré de 1982 à 2015.
Biden
posera assurément – mais suivant quel calendrier? – des gestes
pour détendre la relation. Il l’a annoncé dans sa campagne. À la
différence de Trump, il n’a pas à satisfaire un électorat
spécifique : la Floride semble devenue un territoire perdu pour
les démocrates. Mais tout indique que le dossier cubain ne sera pas
prioritaire. Il voudra d’abord mener le combat contre la pandémie,
relancer l’économie et recoudre les alliances en vue de mieux
faire face aux défis qui se posent à l’échelle internationale au
Moyen Orient face à l’Iran et mondialement face à la Chine. Tout
accord du Sénat concernant Cuba l’obligera en outre à traiter
avec le sénateur Robert Menendez (D-NJ), d’origine cubaine, revenu
à la présidence du Comité des relations étrangères. Menendez
voudra livrer bataille contre un revirement de politique à l’endroit
de Cuba et du Venezuela. Simple sénateur au moment de l’ouverture
d’Obama, il avait affiché son opposition au rapprochement avec La
Havane.
Comme
Trump a imposé la majorité des sanctions par décrets
présidentiels, Biden pourrait les abroger de la même façon. Je
crois qu’il va procéder à la pièce. Sans doute annulera-t-il les
mesures les plus agressives : celles touchant les transferts
monétaires, les vols et croisières. Il voudra favoriser les
exportations agricoles et stimuler, comme Obama, le développement du
secteur privé dans l’île.
Comme
le retrait de Cuba de la liste des pays parrainant le terrorisme doit
passer par le Congrès, il devra entreprendre les démarches
préparatoires y menant car l’inscription sur cette liste interdit
les transactions bancaires et financières.
Il
devrait aussi retourner le personnel à l’ambassade de La Havane et
autoriser le retour du personnel cubain à l’ambassade à
Washington. Biden s’est engagé en campagne à fermer la prison de
Guantánamo qui renferme encore 40 prisonniers, en libérant certains
prisonniers et en transférant d’autres à des pays qui les
accepteront. Le problème est que les congressistes se sont toujours
opposés à leur transfert aux États-Unis pour y être jugés et
incarcérés.
Son
seul acte concernant Cuba a consisté à reconduire le 24 février un
décret de Clinton datant de mars 1996 déclarant une « urgence
nationale » et interdisant l’entrée dans les eaux cubaines
de tout vaisseau immatriculé aux États-Unis, une mesure qui
prétendait à l’époque prévenir un exode massif.
Il
cherchera des contreparties dans le domaine des droits de la
personne, suivant la conception qu’on s’en fait aux États-Unis.
Il voudra poursuivre la bataille entreprise sur le front culturel en
finançant des groupes d’opposants à même les budgets
significatifs attribués à la subversion par l’entremise des
radios et les médias sociaux. En deux décennies, les
administrations ont consacré 250 millions de dollars à des
programmes de subversion contre Cuba. Ce financement n’a pas faibli
sous Obama. Récemment les États-Unis ont payé des prétendus
artistes cubains pour qu’ils organisent des actes de protestation
contre le ministère de la Culture et contre des symboles cubains.
Pense-t-il
à poser des conditions préalables ou à exiger des concessions?
Cela n’a jamais fonctionné avec Cuba qui considère avec raison
qu’elle n’a jamais menacé les États-Unis ni appliqué des
sanctions. Cuba a toujours été la cible, la victime, et les
États-Unis, l’agresseur. Le
socialisme n’est pas négociable pas plus que le statut de parti
unique pour le Parti communiste. Il
en va de la souveraineté nationale. Une
contrepartie serait de tenter d’enrôler Cuba dans une opération
visant à obtenir le départ de Nicolás Maduro que Washington
diabolise depuis 2013 comme il le faisant auparavant pour Chávez.
Cela fait plus de cinq ans que Washington lie les dossiers cubain et
vénézuélien. Cuba a été un intermédiaire essentiel dans le
rapprochement entre le gouvernement colombien et les Forces armées
révolutionnaires de Colombie (FARC), menant à un traité de paix en
2016. La Havane accueille les combattants de l’Armée de libération
nationale (ELN), l’autre organisation des rebelles colombiens, pour
la même raison. La collaboration de Cuba avec la révolution
bolivarienne est d’une autre nature et Cuba entend demeurer un
allié indéfectible.
Agir
sur Cuba rapporterait à l’administration Biden des dividendes
politiques à l’échelle internationale, tant la politique cubaine
de Washington a été décriée. Depuis près de 30 ans, les
États-Unis se sont retrouvés seuls avec Israël et parfois un
troisième pays à s’opposer à l’ONU à une résolution
réclamant la levée de l’embargo, du « blocus » comme
l’appellent les Cubains.
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Préjudices
accumulés résultant du blocus (1962-mars 2018) |
Pourrait-elle
aller au-delà et s’engager à la levée de l’embargo? Le
sénateur Ron Wyden (D-Oregon), président du Comité des finances, a
proposé le 6 février un projet de loi pour mettre fin au blocus.
« The U.S.-Cuba Trade Act of 2021 would repeal the major
statutes that codify sanctions against Cuba, including the
Helms-Burton Act and the Cuban Democracy Act, as well as other
provisions that affect trade, investment, and travel with Cuba. It
would also establish normal trade relations with the country »,
a expliqué le sénateur dans un communiqué. Wyden reconnaît que le
blocus constitue « un vestige des années 1960 »; « to
continue this outdated, harmful policy of isolation would be a
failure of American leadership », a-t-il ajouté. La loi
éliminerait toute interdiction limitant les transferts de fonds,
autoriserait tous les citoyens à visiter Cuba, retirerait les
restrictions touchant au commerce et autres relations avec Cuba et
légaliserait les services de communications entre les deux nations.
Le blocus aurait coûté à l’économie cubaine suivant les calculs
conservateurs plus de 140 milliards de dollars depuis son
instauration en 1962.
Nous
sommes encore loin de ce pas essentiel en route vers une
normalisation des relations avec Cuba. Mais des organismes s’y
activent. Le Center for Democracy in the Americas (CDA) et le
Washington Office on Latin America (WOLA) ont déposé en décembre
2020
un document
pour une politique de rapprochement qui, au bout de deux ans,
aboutirait à la levée de l’embargo. Le document fait état de 22
accords
ou protocoles d’entente signés entre 2015 et 2017. Une des idées
phares qui anime la proposition est que le rapprochement (engagement)
est une stratégie plus efficace pour faire avancer la cause des
droits de la personne, des libertés politiques et de la réforme
économique. Déjà plus de 15 villes des États-Unis, dont Chicago,
réclament la normalisation des relations avec Cuba. Le 2 mars, 80
congressistes démocrates ont écrit une lettre
au président Biden
pour le presser à reprendre le chemin de la détente avec Cuba. Les
signataires sont des membres influents au sein de comités de la
Chambre.
En
juin
2021, Cuba reviendra à la charge devant l’ONU avec une
résolution réclamant la levée du blocus. Les États-Unis seront à
nouveau sur la sellette, pour la 29e
fois, et devront justifier leur position. Chaque fois ils virent dans
cette résolution une atteinte à leur droit souverain de décider
avec qui ils veulent commercer et s’activèrent pour mobiliser des
appuis et des abstentions. À l’automne 2016, ils avaient choisi de
s’abstenir. Va-t-on assister à une répétition de ce scénario en
2021?
Venezuela
– Biden retirera-t-il des sanctions?
L’administration
Trump s’est attaquée à Cuba, mais sa priorité régionale a été
d’orchestrer un changement de régime au Venezuela. Cuba représente
un défi idéologique : les États-Unis qui en avaient fait un
satellite n’ont jamais accepté qu’elle s’extirpe de son orbite
et choisisse la voie socialiste avec les alliances qu’impliquait ce
choix. Le Venezuela constitue un défi géopolitique : les
États-Unis veulent un accès libre et privilégié aux immenses
ressources énergétiques (pétrole et gaz) et minières, alors même
que la révolution bolivarienne a compris qu’elle devait pour
progresser et survivre développer des alliances avec la Russie, la
Chine, l’Iran et d’autres pays.
L’administration
Trump n’a pas inventé cet objectif de ramener le Venezuela dans le
giron. Les États-Unis y travaillent depuis vingt ans. Ils ont
cherché à contenir Hugo Chávez élu en décembre 1998. Ils ont
encouragé et reconnu le coup d’État d’avril 2002, même s’il
a duré moins de 48 heures. Ils ont financé, conseillé et protégé
l’opposition antichaviste. Ils l’ont encouragée à boycotter les
scrutins dans une tentative pour délégitimer les victoires du
chavisme. Ils ont formé de jeunes leaders pour attaquer les
institutions. Ils ont accueilli les opposants, dont beaucoup étaient
poursuivis pour des actes de violence ayant causé des morts ou
étaient des déserteurs des forces de sécurité. Ils ont peut-être
eu un rôle à jouer dans le cancer qui a emporté Chávez en 2013 :
son aide-de-camp Leamsy Salazar bénéficie de la protection dans son
exil aux États-Unis. Ils ont vu une opportunité avec Nicolás
Maduro, un dirigeant qui n’avait ni le charisme ni l’habileté de
Chávez. Ils ont dirigé la contestation des élections. Ils ont
lancé une guerre économique contre le pétrole et la monnaie. Cette
guerre a été portée à son paroxysme sous Trump par le biais des
« sanctions ». L’objectif était de priver le
gouvernement de moyens pour importer la nourriture et financer les
programmes sociaux en vue de retourner la population contre le
chavisme. C’était une variante du scénario appliqué contre Cuba
depuis 1960. Or le chavisme a remporté tous les scrutins (sauf deux)
depuis 1998, soit plus de vingt au total.
L’autoproclamation
de Juan Guaidó, orchestrée par leurs soins, avec la collaboration
du Canada, représentait l’amorce d’un gouvernement parallèle,
une solution de rechange pendant que les États-Unis se chargeaient
d’accélérer la dégradation des conditions de vie des
Vénézuéliens. Washington a imposé cette voie à leurs alliés
(Canada, Groupe de Lima, Union européenne). Maduro personnalisait la
cible, mais le véritable objectif était d’en finir avec
la
révolution bolivarienne et de porter au pouvoir, si possible par la
voie des élections, un gouvernement ami, voire fantoche. Washington
espérait grâce aux sanctions briser l’unité entre les forces
armées et Maduro, provoquer
des défections et
rallier
une partie déterminante de la
FANB
au
camp
de Guaidó.
Il
y eut certes des défections. Mais l’unité n’a pas été brisée.
Guaidó a échoué à rallier la population, promettant beaucoup plus
qu’il ne pouvait réaliser, démontrant son incompétence et
sombrant dans la corruption au point qu’une partie croissante de
l’opposition a fini par l’abandonner et s’est ralliée à une
solution politique passant par la participation au dialogue interne
et aux élections conformément à la constitution.
L’option
Guaidó se retrouve depuis
des mois dans
un cul-de-sac. Elle n’a plus aucune base juridique, car l’Assemblée
nationale dont il était l’émanation a terminé son mandat en
janvier 2021. Une nouvelle Assemblée s’est mise en place. Une
opposition en fait partie, celle qui a accepté de jouer la carte
constitutionnelle, donc de reconnaître la validité des élections
du 6 décembre. L’UE ne reconnaît plus Guaidó
comme
« président intérimaire », mais refuse de reconnaître
la nouvelle Assemblée. Elle maintient des sanctions et vient de les
étendre à 19
fonctionnaires
du
Conseil
électoral
et
du
Tribunal
suprême. Un rapport
demandé par Gregory Meeks, président du Comité des affaires
étrangères
de
la Chambre, reconnaît que les sanctions ont eu un coût humain
considérable, aggravé par l’ineptie de Maduro et par la pandémie.
Une experte de l’ONU,
Alena Douhan, au terme d’un séjour au Venezuela en février
dernier, a dénoncé
les
sanctions parce qu’elles visent à asphyxier l’économie et
qu’elles constituent une violation flagrante du droit
international, voire un « génocide ». L’agression
viole le principe d’égalité souveraine des États et constitue
une intervention dans les affaires internes du Venezuela en plus
d’affecter ses relations régionales. Biden qui prétend défendre
l’État de droit, la démocratie et les droits de la personne ne
peut, s’il prétend à la cohérence,
justifier
le maintien d’une telle politique. Gregory Meeks a demandé à
Biden de se distancer de la politique suivie par Trump, laquelle est
un échec,
et
de travailler avec le Groupe de Lima et l’UE à une approche
multilatérale plus efficace pour résoudre les
crises
multiples qui assaillent le Venezuela.
Or
l’opposition de Washington au Venezuela chaviste est bipartisane.
Elle a reposé sur un consensus. Mais la version Trump s’est
révélée inefficiente. Cela a été reconnu en Chambre. Biden doit
envisager un recalibrage. Maduro a toujours été ouvert à une
négociation. Il a même dit en décembre qu’il accepterait de se
soumettre à un referendum révocatoire à mi-mandat (donc à
l’automne 2021) comme le permet la constitution. La Norvège qui
œuvre depuis deux ans à rapprocher le gouvernement et l’opposition
(celle qui dépend de Washington a maintes fois boudé les
rencontres) a réalisé une mission en janvier pour évaluer
l’ouverture au dialogue entre les parties. Toute négociation
suppose une phase de mise en confiance des intervenants. Les
États-Unis doivent être disposés à jeter du lest, à retirer des
sanctions, notamment celles qui frappent le secteur énergétique et
celles qui affectent directement la population.
Rien
n’indique que Biden rebattra les cartes à court terme. Il vient de
renouveler pour une autre année le décret signé par Obama en mars
2015 et de prolonger de 18 mois le statut TPS des quelque 200 000
immigrants vénézuéliens et le permis de travail afférent. Ses
déclarations attestent que l’objectif n’a pas changé :
obtenir une transition « démocratique » par le biais de
nouvelles élections parlementaires et présidentielles. Ned Price,
porte-parole du State Department, le 4 février, a qualifié Maduro
de « dictateur » et Guaidó de « président
intérimaire ». Tout au plus a-t-il déclaré que la
Maison-Blanche privilégiait le dialogue et la négociation par
l’entremise de tiers, alors que Trump répétait que « toutes
les options étaient sur la table ».
La
déclaration
du secrétaire d'État Antony Blinken, le 3 mars, à l'effet que les
États-Unis ne chercheraient plus à « promouvoir la démocratie
par des interventions militaires coûteuses et à tenter de renverser
des régimes autoritaires par la force » a déstabilisé
l'opposition radicale (autour de Guaidó) qui réclamait une
intervention militaire sous Trump, l'obligeant à envisager un retour
à la voie politique et électorale pour tenter de reprendre le
pouvoir. Une redéfinition est en cours au sein de l'opposition. Mais
Blinken n'a rien dit du recours aux sanctions qui participent d'une
guerre économique avec son coût humain élevé au Venezuela (à
Cuba, en Iran et ailleurs). Pas plus qu’il n’a remis en question
la légalité et la moralité de mesures coercitives unilatérales
comme instrument de politique. Le Venezuela vient de déposer une
plainte devant l’Organisation mondiale du commerce pour dénoncer
les MCU comme contraires aux normes et principes de l’OMC.
Washington
n’a plus d’ambassade à Caracas depuis 2019, gérant ses intérêts
depuis Bogotá. La Colombie et le président Duque servent de base et
de mercenaire contre le chavisme. C’est en sol colombien qu’a été
préparée l’opération Gédéon qui visait à faire débarquer un
commando sur les côtes vénézuéliennes en vue de capturer (ou même
d’assassiner) Nicolás Maduro. Les envahisseurs ont vite été
capturés en mai 2020. Carlos Vecchio, un ancien avocat pour Exxon et
représentant de Guaidó aux États-Unis, a même été invité à
l’investiture de Biden. Le scandale est qu’il a été accusé
d’avoir incité à l’attaque contre le siège du Procureur
général à Caracas en 2014 qui a été incendié et a fait deux
morts. Il a été un protagoniste des guarimbas,
ces violences de rue qui firent 49 morts et 10 milliards $ de
dommages la même année. Il a échappé à la justice en s’enfuyant
aux États-Unis. Il aurait donc participé à une opération de même
nature que l’attaque contre le Capitole le 6 janvier dernier.
Bolivie
– l’échec d’un coup d’État et le retour d’un gouvernement
progressiste
Nul
doute que les États-Unis ont joué le rôle de chef d’orchestre
dans le coup d’État en novembre 2019, en collaboration avec le
secrétaire-général de l’OÉA. La marche vers le coup d’État
correspondait à un plan : dénoncer la victoire de Morales
comme frauduleuse, inciter aux manifestations violentes, retourner
les forces de sécurité et l’armée et pousser Morales à la
démission, puis former un gouvernement de transition. Des armes et
des fonds ont été introduits dès le mois d’août par le
territoire argentin. Trump a salué la démission de Morales comme «
un moment significatif pour la démocratie dans l’hémisphère
occidental ». Pour ensuite exprimer tout son soutien à l’équipe
des putschistes dont le mandat était d’organiser des élections
transparentes. Or celle-ci a outrepassé son mandat en déconstruisant
les acquis populaires pour leur substituer des mesures inspirées du
néolibéralisme et en s’attaquant au MAS comme si elle dirigeait
une vendetta. Elle a rompu avec Cuba, le Venezuela et s’est alignée
sur Washington et ses alliés. Le gouvernement Áñez a fait preuve
de népotisme, de corruption, d’incompétence, puis
d’irresponsabilité dans sa gestion de la pandémie. Ce coup d'État
avait aussi une composante géopolitique : accéder aux immenses
réserves de lithium afin de les exploiter au profit des
transnationales. Tesla et Pure Energy Minerals (Canada) étaient sur
les rangs. Or des minières chinoises travaillaient à un partenariat
avec la société d'État YLB dans le but de produire des batteries
en Bolivie même. Les États-Unis ne pouvaient supporter que la Chine
ait accès à cette ressource stratégique. Rappelons le tweet d’Elon
Musk : « We will coup whoever we want. Deal with it. »
La
population n’a pas été dupe de la campagne de dénigrement, des
poursuites, des fausses accusations contre le gouvernement du MAS,
ses dirigeants et ses fonctionnaires. L'électorat
a chassé sans équivoque les putschistes
répressifs,
incompétents et corrompus et confié le
pouvoir
à un gouvernement digne de sa confiance dirigé par Luis Arce
Catacora et David Choquehuanca. L’économiste Arce fut l’architecte
du programme économique sous les administrations Morales
(2006-2019). Choquehuanca, un intellectuel aymara, occupa les
fonctions de chancelier. Une équipe ministérielle compétente
assume la direction des affaires. Le MAS détient à nouveau la
majorité du pouvoir législatif. La Bolivie contrôlera ses
ressources et a vite remboursé un prêt du FMI afin d’échapper
aux conditions onéreuses acceptées par les putschistes. Le
gouvernement Arce a annulé leurs décisions et repris sa marche vers
un développement conçu pour un État plurinational. Sous Morales,
tous les Boliviens avaient profité de la croissance de la richesse
collective, les pauvres et les autochtones plus que les autres
groupes eu égard à leur situation antérieure et aux diverses
formes d’exclusion qui les frappaient.
Washington
a dû prendre acte de sa défaite. À court terme, sa priorité sera
de défendre les droits de ses collaborateurs dans les procès qui
sont annoncés contre les crimes (dont 30 assassinats de
manifestants, des centaines d’arrestations arbitraires, des refus
d’honorer des saufconduits, des détournements de fonds) qu'ils ont
commis pendant l'année où ils ont exercé un pouvoir de façon
vindicative et malhonnête. Et d’assimiler les détentions à des
actes de « persécution politique ». Les États-Unis
accueillent déjà les anciens ministres de l’Intérieur et de la
Défense, les deux titulaires les plus compromis dans la répression,
qui se sont enfuis avant même l’investiture des nouvelles
autorités. Le 27 mars, Antony Blinken twittait : « We are
deeply concerned by growing signs of anti-democratic behavior and
politicization of the legal system in Bolivia. The Bolivian
government should release detained former officials, pending an
independent and transparent inquiry into human rights and due process
concerns. » Sachant que les États-Unis ont encouragé la
persécution judiciaire en Amérique latine y compris sous Obama et
ne l’ont jamais condamnée quand la droite en faisait grand usage –
pensons au montage judiciaire contre Lula da Silva et à son
emprisonnement avant même qu’il ait épuisé tous ses recours –
, on ne peut que relever l’hypocrisie que cache cette déclaration.
Sans compter que les États-Unis hébergent depuis près de 20 ans
l’ex-président Gonzalo Sánchez de Lozada et son ministre de
Défense Carlos Sánchez Berzaín responsables d’assassinats
extrajudiciaires en octobre 2003 dans lesquels moururent 58 civils. À
deux reprises, en 2008 et en 2013, la justice bolivienne a réclamé
en vain leur extradition. C’est d’ailleurs pour prévenir la
fuite aux États-Unis qu’Áñez
et ses acolytes sont détenus en attente de leur procès.
Équateur
– empêcher l’élection d’un gouvernement progressiste?
Un
autre dossier chaud a récemment eu l’Équateur comme théâtre.
Des élections étaient prévues en février 2021. Le contexte
semblait favorable à l’élection d’un gouvernement progressiste.
Une victoire qui devait modifier l’équilibre des forces en
Amérique du Sud, renforçant l’aile gauche et redonnant vie à
l’Union des nations sud-américaines qui avait son siège à Quito.
Et surtout une victoire qui mettrait fin à une parenthèse
inattendue quand Lenín Moreno, ancien vice-président et héritier
apparent de Rafael Correa, a trahi le programme qu’il avait annoncé
et les électeurs qui l'avaient porté au pouvoir en 2017. Sitôt
élu, Moreno a pactisé avec les ennemis de Correa, a changé les
titulaires de nombreux postes, a organisé un plébiscite afin, entre
autres, de faire interdire tout futur mandat présidentiel pour
Correa. Il a entrepris une persécution juridique contre l’ancien
président et ses principaux fonctionnaires au nom d’une lutte
contre la corruption plus fantasmée que réelle. Il s’est employé
à défaire les avancées démocratiques réalisées sous la
présidence de Correa. Chambardant les alliances bâties par son
devancier, il récupéra le bâtiment qui abritait le siège
d’UNASUR. Il expulsa Julian Assange, pourtant citoyen équatorien,
de l'ambassade à Londres pour satisfaire aux demandes des États-Unis
et leur rendit la base aérienne de Manta. L'OÉA et les
gouvernements qui veulent abattre Maduro et la révolution
bolivarienne n’ont rien trouvé à redire contre cet assaut porté
contre les institutions équatoriennes. Des mesures néolibérales
ont réduit les ressources fiscales de l’État, le conduisant à
réclamer un prêt de 4 milliards de dollars du FMI qui a imposé ses
conditions. Moreno a échoué lamentablement dans la gestion de la
pandémie. Faute de pouvoir être traités dans les hôpitaux de
Guayaquil, les malades mouraient à la maison et leurs cadavres
jonchaient des rues dans l’attente de leur transport aux
cimetières.
Désavoué
par la population, Moreno a renoncé à briguer un second mandat. Il
a cherché à organiser des élections qui ne ramèneraient pas le
corréisme au pouvoir. Le Conseil national électoral qu’il avait
désigné a bien tenté de bloquer la candidature de l’UNES (Union
pour l’espoir) mené par Andrés Arauz que les sondages plaçaient
largement en tête. Moreno s’est rendu à Washington en janvier
pour prendre des instructions. Le 7 février, Arauz a fini en tête
avec 32,7 % devant le banquier Guillermo Lasso, le candidat de
droite, crédité de 19,7 %.
L’autre
candidat que semblait soutenir Washington, Yaku Pérez, à la tête
de Pachacutic, a fini troisième, à 32 000 voix de Lasso. Il
prétendait défendre une option « écosocialiste ». Il s’est
fait connaître pour son opposition à Correa et à ses projets
extractionnistes. Partisan d’un indigénisme ethnique, il n’avait
pas le soutien de plusieurs militants et organisations qui défendent
un indigénisme de classe en alliance avec d’autres mouvements
sociaux. Il a tout fait pour gagner le soutien de l’ambassade
yankee, qualifiant Correa de « dictateur », dénonçant Evo Morales
et Maduro. Sa conjointe franco-brésilienne, Manuela Picq,
universitaire au service d’ONG, est une critique acerbe des
gouvernements de gauche. Criant à la fraude, il a tenté d’arracher
un recomptage des votes. Washington a soutenu sa démarche,
applaudissant ce qui s’annonçait comme un pacte entre Lasso et
Pérez, mais le candidat Lasso a fait marche arrière. La candidature
de Pérez aura néanmoins fait son œuvre : elle aura servi à
diviser le vote indigène, à capter des votes des jeunes sensibles à
la cause écologiste et à empêcher Arauz d’obtenir ces 40 % qui
lui auraient accordé la victoire dès le premier tour.
Le
deuxième tour était annoncé pour le 11 avril. Il allait donc
opposer Arauz à Lasso. Arauz paraissait disposer d’un avantage. Il
défendait un programme qui aurait dû séduire la majorité des
Équatoriens. Non seulement s’engageait-il pour une vaccination
équitable et gratuite, mais aussi pour un bon de 1000 $ aux
catégories les plus pauvres et les plus affectées par la pandémie.
L’État équatorien retrouverait avec lui le chemin des mesures
redistributives pour combattre le chômage, redresser les systèmes
de santé et d’éducation mis à mal par les coupures effectuées
sous Moreno, favoriser les jeunes et combattre l’évasion fiscale
dont Lasso et Moreno avaient profité. Lasso avait contre lui d’être
le propriétaire du Banco de Guayaquil, de s’être enrichi à la
faveur de la crise financière de 1999 et de posséder de nombreux
comptes dans les paradis fiscaux au mépris des lois équatoriennes.
Il n’avait rien d’autre à offrir que les vieilles potions
néolibérales. Mais il disposait de beaucoup d’argent et de
l’appui du patronat et des grands médias. Les médias de tout
acabit se sont employés à
discréditer Arauz. La
procureure générale, une protégée de Moreno à qui elle doit sa
nomination controversée – elle est affublée du sobriquet « Fiscal
10/20 » pour la note obtenue à l’examen écrit – a ordonné
la saisie d’une base de données en vue d’une vérification qui
ne relèvait pas de sa compétence. Diana Salazar a même reçu des
mains de son vis-à-vis colombien des documents saisis sur les
appareils que possédait Uriel
abattu par l’armée colombienne le 25 octobre dernier. Le
commandant de la guérilla ELN y parlerait d’un prêt consenti à
la campagne d’UNES. Le bruit a couru que Salazar pourrait exclure
le parti UNES du ballotage sur la foi de documents fabriqués par le
renseignement colombien comme cela s’était produit en 2008 quand
l’armée avait abattu un chef des FARC, Raúl Reyes, et avait tenté
avec le même type de sources d’impliquer Correa et Cuba.
Le
23 février, le secrétariat d’État a fait de Diana Salazar une
des « champions de la lutte anti-corruption ». On aurait pu
craindre dans les circonstances que l’administration Biden ne
participe à une opération visant à exclure Arauz et l’UNES du
ballotage. La complicité de la Colombie était évidente. C’est
Semana,
un
hebdomadaire colombien appartenant à un magnat de la droite qui a
publié le reportage reliant l’ELN à Arauz. La fabrication et la
diffusion médiatique de faux est une spécialité de la CIA. Et la
Colombie est la plaque tournante dans la région pour la stratégie
d’agressions contre le Venezuela et contre toute autre menace
représentée par une gauche. Iván Duque y poursuit l’œuvre de
son parrain, Álvaro Uribe, d’être le relais et le pivot régional
au service des intérêts de Washington qu’il identifie aux siens.
La proscription d’Arauz aurait fait scandale. L’ambassadeur
Michael Fitzpatrick n’a pas manqué de prodiguer ses conseils au
gouvernement Moreno sur les moyens de peser contre l’élection
d’Arauz au second tour. À moins de deux semaines du 11 avril,
Moreno a proclamé l’état d’exception pour 30 jours dans la
majeure partie du pays.
L’élection
a eu lieu le 11 avril. Contre toute attente, Guillermo Lasso l’a
emporté avec un avantage de 5 points, soit une différence de 400
000 voix. Profitant de l’effet Lenín, il a rallié tous les
anti-corréistes à sa suite. Et surtout près de deux millions
d’électeurs, faute de pouvoir voter pour lui, ont choisi d’adhérer
à la consigne du « vote nul idéologique » lancée par
la CONAIE
(Confédération des peuples autochtones)
ou de voter blanc. Se présentant comme le dauphin de Correa, Arauz a
écopé du ressentiment accumulé par Correa chez les autochtones et
auprès
des
secteurs moyens. À
la dichotomie corréisme/anticorréisme proposée par ses adversaires
il n’a pu construire sa campagne opposant des solutions populaires
au néolibéralisme. À
la politique de confrontation qui avait caractérisé les deux
présidences de Correa, Lasso annonçait lui substituer le
« dialogue » et l’unité des Équatoriens. L’opposition
viendra de l’Assemblée et
de la CONAIE. Élu,
Lasso a rapidement affiché son alignement en annonçant qu’il
inviterait Juan Guaidó, le « président légitime » du
Venezuela à son investiture. Pour
le moment, l’Équateur
semble
ancré à droite dans le camp des États-Unis.
Haïti
– les braises d’une révolte qui couve
Je
ne peux conclure sans évoquer un autre dossier chaud qui appelle à
un changement de politique. Celle suivie envers Haïti par le Core
Group (formé
des ambassadeurs de plusieurs pays dont ceux des États-Unis et du
Canada) est en nette contradiction dans les faits avec les principes
de promotion de l'État de droit, de la démocratie, des droits de la
personne, de la stabilité et de la lutte contre la corruption et le
narcotrafic. Voilà autant de causes qui sont invoquées pour
justifier sans fondement la politique de sanctions appliquée contre
le Venezuela. Je ne vois pas comment Jovenel Moïse pourrait
conserver un pouvoir qui n’a plus aucune base légale alors que lui
et son devancier n’ont jamais disposé d’une légitimité, étant
à l’évidence des fantoches mis en place par les nations
tutélaires au moyen d’élections truquées et boudées par le
peuple haïtien. L’usurpation patronnée de l’extérieur devra
prendre fin. Elle n’a servi qu’à installer et à maintenir des
dirigeants incompétents, corrompus et répressifs. « Les États-Unis
ne sont pas les seuls à s’inquiéter de l’érosion continue de
la démocratie en Haïti, de l’absence d’élections législatives
et de la gouvernance par décrets », a affirmé, le 14 décembre
2020, dans un tweet, Michael Kozak, secrétaire adjoint par intérim
du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du Département
d’État. Six premiers ministres se sont succédé à ce jour sous
la présidence de Moïse. Une inquiétude qui n’est exprimée que
lorsque le risque d’une insurrection menace d’emporter un régime
qui n’a cessé d’opprimer un peuple avec la complicité
intéressée de ses élites et de leurs maîtres internationaux.
Conclusions
« America
is back. Diplomacy is back at the center of our foreign policy »,
de déclarer Joe
Biden
dans son premier discours consacré à la politique étrangère le 4
février dernier. Après quatre années à entendre les propos du
président Trump, à lire ses tweets
et
à le voir en action, on pouvait apprécier de lire la transcription
de ce discours de Biden. L’essentiel de ses propos lénifiants
participait
d’une rhétorique à l’apparence progressiste. La politique
intérieure et la politique étrangère forment un couple. Les
valeurs qui déterminent la première doivent s’appliquer à
l’autre. Biden croit au devoir et à la capacité des États-Unis
d’agir dans le monde par l’exercice d’un leadership que les
alliés leur reconnaîtraient. Le retour au multilatéralisme est la
voie dont il célèbre les vertus. La défense des droits de la
personne sera la bannière sous laquelle les États-Unis entendent
diriger une nouvelle croisade contre l’« autoritarisme ».
L’autoritarisme
remplace le communisme comme épouvantail.
La Chine et la Russie sont
dans
le collimateur. Biden
refuse d’adapter sa politique étrangère à un monde devenu
multipolaire. Mais avec une ouverture à discuter avec elles d’autres
dossiers d’intérêt mutuel tels ceux de l’environnement et du
contrôle des armes stratégiques.
Biden,
comme ses devanciers, considère que les États-Unis sont justifiés
d’exercer la double fonction de juge et de gendarme planétaires.
Il croit au mythe de la « nation indispensable »
(Madeleine Albright). C’est un attribut dérivé de
l’exceptionnalisme, un dogme profondément ancré dans l’identité
et la culture politique états-uniennes, et fondé avant tout sur
leur puissance militaire. Un rôle que plusieurs gouvernements sont
prêts à leur reconnaître comme par délégation non sans parfois
faire valoir des intérêts divergents. Ainsi le gazoduc Nord Stream
2 entre la Russie et l’Allemagne est devenu un enjeu important à
la veille de son parachèvement au point que les États-Unis menacent
de sanctionner les constructeurs. Washington croit encore détenir un
pouvoir quasi impérial fondé sur une hégémonie mondiale acceptée
par ses alliés.
Il
ne fait pas de doute que l’autorité morale des États-Unis à
juger de situations étrangères et à intervenir est affectée par
les défauts qu’ils affichent dans leur propre fonctionnement
interne. Le racisme systémique corrode la société et la justice.
Le pays abrite la plus forte population carcérale avec une
surreprésentation des non-Blancs. Des mesures vicieuses cherchent à
bloquer le vote des gens de couleur, des latinos, des ex-détenus.
Les campagnes électorales coûtent de plus en plus cher. Les
législations sont soumises aux pressions des lobbys et des puissants
qui sont les principaux donateurs. Les inégalités se sont accrues
avec des réformes fiscales qui avantagent scandaleusement les
nantis. Près de trente millions d’habitants n’ont pas accès à
des soins de santé. Et l’on pourrait allonger la liste. Ce sont
autant de démentis à l’existence d’une démocratie qui ne
satisfait même pas aux critères de la démocratie procédurale,
encore moins à ceux d’une démocratie sociale.
Le
recours aux sanctions est également un instrument dont abuse
Washington. L’appel aux sanctions contre les militaires birmans
peut être bien accueilli. C’est ignorer que l’application de
sanctions par Washington obéit à une géométrie variable. Elles
frappent les régimes qu’il condamne, mais épargnent les régimes
alliés qu’il tolère. L’Arabie saoudite ne peut être traité
comme un État « paria » en dépit de son oppression des
femmes et de sa conduite au Yémen. Mohammed ben Salmane échappe aux
conséquences du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Les
sanctions décidées par les États-Unis, même si d’autres pays
les appliquent sous la pression de Washington, contreviennent souvent
au droit international parce qu’elles frappent en réalité tout un
peuple et particulièrement les classes les plus vulnérables. On a
beau prétendre qu’elles sont ciblées. Dans les faits, les
gouvernants et les élites peuvent plus facilement les contourner,
leur résister et en atténuer l’impact, alors que le peuple subit
de plein fouet le chômage, les pénuries alimentaires et
l’hyperinflation. L’objectif secret est de prendre le peuple en
otage pour que le gouvernement cède aux pressions ou qu’une
« révolution de couleur » renverse le gouvernement dans
le cadre d’une « guerre hybride ».
Richard
Nephew que Biden vient de nommer émissaire adjoint pour l’Iran fut
le coordinateur des sanctions contre l’Iran sous Obama. Dans son
ouvrage The
Art of Sanctions :
A View from the Field,
il livre la clé du succès. Infliger des souffrances aux secteurs
les plus vulnérables afin de briser la détermination sociale
et
politique d’un État et le pousser à se soumettre aux demandes de
Washington. Veut-on des exemples de pressions efficaces : par
des attaques contre la monnaie faire grimper le prix du poulet ou
rendre les médicaments hors de portée des gagnepetits tout en
facilitant l’accès aux communications pour que les gens puissent
échanger sur leurs conditions déplorables et en imputer la faute au
« régime »? Bref, faire crier l’économie et utiliser
la population affligée comme levier contre le gouvernement cible.
C’est
une politique semblable qui est appliquée depuis plusieurs années
contre le Venezuela. Contrairement à ce que voulaient faire croire
les concepteurs, la population a souffert et continue de souffrir.
Pourtant seule une minorité est descendue dans la rue pour protester
contre le gouvernement Maduro. Quelques millions ont choisi d’émigrer
ou de bouder les élections. Les mobilisations massives ont été
avant tout le fait des chavistes, en appui au gouvernement. Celui-ci
tient bon grâce à la solidité de l’union civico-militaire, aux
efforts considérables pour atténuer les crises, à sa gestion de la
pandémie – la meilleure performance des grands États d’Amérique
du Sud – et à l’aide venue d’alliés, soit la Russie, la
Chine, Cuba et l’Iran. Les sanctions font très mal, voire tue,
mais le Venezuela résiste.
L’invention
d’un « président intérimaire » a été un pétard
mouillé. L’expédient n’avait aucune base juridique. Selon Jost
Delbrück, expert allemand en droit public international, ce qui
détermine la légitimité d’un gouvernement, c’est sa conformité
avec sa constitution. Or Juan Guaidó, à la différence de Nicolás
Maduro, ne tire pas sa légitimité de la constitution. La présidence
n’était pas vacante et il n’était pas de surcroît en tête de
liste pour la succession. De plus, il n’a jamais disposé d’un
pouvoir effectif à l’intérieur du pays. Il s’était proclamé
« président » en tant que président temporaire d’une
Assemblée nationale qui se trouvait en infraction aux règles de
fonctionnement depuis 2016. L’ingérence étrangère et la
reconnaissance internationale n'y changeaient rien. Au contraire,
elles constituaient une violation contre le pouvoir étatique
légitime. Il faudra bien qu’un jour Washington rompe avec cette
fiction.
Pour
conclure,
l’Amérique latine peut espérer tout au plus bénéficier d’une
plus grande autonomie sous l’administration Biden. Elle le devra
plus à la personnalité de Biden qu’à une mutation au sein des
structures de pouvoir. Biden pourrait être le plus progressiste des
présidents, celui que les origines, les drames personnels et les
expériences de la vie politique auraient préparé à exercer le
pouvoir avec compassion, du moins à l’endroit de ses concitoyens.
Pourra-t-il ou saura-t-il faire de même en politique étrangère? Il
est permis d’en douter. La politique étrangère résulte de
l’interaction de plusieurs facteurs et agents depuis la
bureaucratie dans les différents appareils, les lobbys, les experts
au sein des think
tanks,
etc. L’État profond n’est pas qu’une invention des
complotistes. Le Bureau ovale prend la décision finale, mais le
chemin qui y mène est soumis à plusieurs évaluations et avis,
ainsi qu’à des pressions et donc à des contradictions. Le
discours
qu’a prononcé le secrétaire d’État Antony Blinken le 3 mars
définit un plan en huit points d’une politique étrangère fondée
sur la primauté de la diplomatie. C’est à peine s’il réserve
une place à l’usage de la force militaire. Pourtant rien n’indique
que le Pentagone connaîtra une réduction de son budget. La
Maison-Blanche demandera une majoration. Comme les États-Unis
annoncent de nouvelles sanctions contre la Russie et la Chine, on
peut craindre que les sanctions deviennent l’instrument majeur de
la diplomatie Biden et du retour au « multilatéralisme ».
Or les sanctions sont une forme de guerre, servant moins à la
prévenir qu’à la préparer. On peut s’attendre aussi comme par
le passé que la défense des droits de la personne ne soit qu’un
prétexte pour attaquer des adversaires et justifier des sanctions.
Et qu’elle soit à géométrie variable. Vladimir Poutine est
qualifié d’« assassin », mais pas Mohammed ben Salman.
La campagne internationale en faveur des Ouïgours devient une pièce
de l’arsenal dans le conflit avec la Chine.
Les
démocrates aiment draper leurs interventions à l’étranger dans
des oripeaux moraux. Ils sont plus enclins à inventer des menaces
pour justifier l’usage de la force. Ils ont fait grand cas d’une
possible interférence russe dans les élections de 2016. Sans égard
au fait que les États-Unis ont pratiqué ce type d’interférences
à répétition en Russie, en Europe, en Amérique latine et
ailleurs. Les républicains sont plus réalistes ou cyniques. À Bill
O’Reilly qui demandait à Trump en février 2017 si Putin était un
« assassin », Trump avait répondu avec franchise :
« There are a lot of killers. We’ve got a lot of killers.
Well, do you think our country is so innocent? ».
Pour
m’en tenir à deux des pays visés par cet article, aux deux
principales victimes des agressions états-uniennes, je crois que la
conjoncture est propice pour que Cuba profite d’une certaine
détente et que le Venezuela bénéficie d’une accalmie dans
l’application des sanctions. Ne serait-ce que parce que d’autres
dossiers plus brûlants accapareront l’attention d’une puissance
qui ne dispose plus des mêmes moyens d’intervention ni de la même
crédibilité internationale. Et que ces deux nations et peuples ont
démontré une pugnacité digne d’admiration.
19
avril
2021
*********************
Ce texte a fait l'objet d'une présentation le 19 avril 2021 lors d'une table ronde organisée par la Fondation Salvador Allende de Montréal. On trouvera sur son site la version PDF ainsi qu'un résumé de 4 pages.
Des versions antérieures plus courtes avaient été publiées sur deux sites: